mardi 17 juin 2014

#challenge AZ - O comme Opposition


           Le vicomte Henri Louis Philogène Alexandre de Montfort n'est pas content, mais alors pas content du tout. Son fils unique, au lieu d'épouser une fille "née" comme on le disait dans la noblesse prétend donner son nom à une roturière. S'il avait trouvé une riche héritière qui aurait pu redorer le blason familial, passe encore, mais la fille d'un instituteur de campagne, même s'il est qualifié de géomètre propriétaire ! Quel scandale.
         
Le père, le vicomte Alexandre de Montfort
          L'acte de mariage de Philogène baron de Montfort âgé de 31 ans et Lucie Marie Camille Bréjean, le 18 septembre 1877 à Grandchamp dans l'Yonne révèle que les relations entre le père et le fils ont dû être pour le moins tendues depuis le mois de février de cette année 1877 pour la raison que le fils a d'abord fait savoir à son père, par huissier interposé, sa volonté de se marier, à la suite de quoi le père a tenté de s'opposer à cette "mésalliance" en allant devant le tribunal civil de Reims.  
Charmante ambiance.
          
          Nous sommes alors en République, la IIIe du nom, les privilèges ont été abolis, l'ancien régime supprimé depuis 1789, et pourtant, Monsieur le Vicomte ne semble pas s'en être aperçu.
Que pouvait faire la justice ? Rien évidemment, puisque rappelons-le, Philogène était largement majeur et sain d'esprit. Débouté par le tribunal de Reims, le Vicomte fit appel. Deuxième échec. Le maire de Grandchamp reçut la notification de passer outre. Et c'est ainsi que Philogène et Lucie convolèrent. Vous étonnerai-je en vous disant que pas un membre de la famille de Montfort n'assista à la cérémonie ? 

Le fils, le baron Philogène de Montfort
La bru, Lucie Bréjean
          


















           Issus de la branche aînée, ses cousins haut placés à la cour de Napoléon III, avaient fait briller les armoiries de la famille. Le général de Montfort par exemple avait marié sa fille au sculpteur Carpeau.
          Seul descendant de la branche cadette puisqu'il n'avait pas de frère, le Vicomte de Montfort  voyait avec tristesse et colère le déclin de sa famille. La branche s'éteignit avec son fils et ses deux petites-filles. 
            Et cela nous ramène à une scène de La Vie de mon père de Rétif de la Bretonne, celle du mariage forcé d'Edme le héros du livre. C'est au nom d'une longue tradition rurale familiale que le père Rétif oblige son fils à épouser une fille de riche paysan plutôt qu'une "créature" de Paris. On ne sait pas quel était le dessein du père de Montfort concernant l'épouse qu'il voulait donner à son fils, mais on pourrait placer dans sa bouche les paroles du père Rétif :    " Maudit soit le fils ou la fille qui n'honore pas son père. Bénis soient le fils et la fille qui obéissent aux dépens de leur cÅ“ur ! Le ciel les bénira ; et toutes les peines du mariage leur paraîtront un jour légère, quand ils se diront dans leur conscience : J'ai obéi ; mon Dieu ! je vous ai obéi dans votre noble image, dans mon père ! "

           Mais nous sommes au XIXe. Le romantisme est passé par là : le cÅ“ur triomphe de la tradition familiale. Après des siècles de mariages entre familles nobles, voilà que du sang neuf arrivait enfin avec la charmante Lucie. 
 

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