lundi 9 juin 2014

#challenge AZ - H comme Hachy

          Ah, si vous cherchiez une recette de cuisine à base de viande hachée et de purée de pommes de terre, c'est raté. Ici il est question d'un pensionnat des Frères des Ecoles chrétiennes en Belgique.

Le pensionnat Saint Joseph, de Thionville à Hachy

          Hachy, aujourd'hui rattaché à Habay-la-Neuve, est le nom d'un patelin de Belgique, non loin d'Arlon, où les Frères avaient commencé à construire un vaste établissement scolaire en 1904, au moment de la loi de séparation de l'Eglise et de l'Etat. Ils venaient de Longuyon en Meurthe et Moselle, où ils avaient déjà dû se replier en 1874 après l'annexion de l'Alsace-Moselle. Car leur établissement d'origine était Beauregard, un quartier de Thionville. Comme ils étaient français, ils appliquaient les programmes français et non pas ceux de la Belgique. 

          Pourquoi les Frères avaient-ils choisi ce petit village du pays Gaumais à l'extrême sud du Luxembourg belge ? La proximité de la France c'est certain, mais plus concrètement la présence de la voie ferrée qui permettait aux élèves français de faire facilement le voyage vers Thionville ou Longwy, en changeant à Luxembourg. Les Frères avaient obtenu des Chemins de Fer Belges que le train Ostende-Bâle s'arrêtât exceptionnellement quelques minutes à chaque fin de trimestre à la Halte de Fouches pour permettre l'embarquement ou le débarquement des élèves.
 

          Les élèves, qui furent jusqu'à 400 dans les années trente, et personnels compris, ce n'était pas moins de 500 personnes qui résidaient pendant l'année scolaire dans cet ensemble de bâtiments austères, répartis autour de deux cours : salles de classes, chapelle, réfectoire, cuisine, dortoirs, logement du personnel, salle des fêtes, etc.

Du primaire au 2ème bac, les élèves en uniforme se répartissaient en trois divisions.
   - les petits jusqu'à la 6ème
   - les moyens en 5ème et 4ème
   - les grands de la 3ème aux bacs

 La vie au pensionnat


          Mon père, ses frères et ses cousins (en tout les cinq Schiltz) ont fréquenté ce pensionnat pendant de nombreuses années, entre 1919 et 1936. Leur opinion sur cette école est très variable. Certains n'ont pas aimé la discipline et les longues semaines passées loin de leur famille. Ils ne revenaient que quelques jours après Noël et Pâques, et pour les grandes vacances. Mais mon père a surtout retenu les bons souvenirs. D'ailleurs il avait conservé deux petits livrets comprenant en tout 26 cartes postales, quelques photos et plusieurs lettres décorées de dessins qu'il avait envoyées à son père. Je ne montre ici que quelques cartes, mais si d'autres personnes sont intéressées par l'histoire de ce pensionnat, je peux en diffuser d'autres par la suite.
Louis, Albert, Robert et Frédy avant la rentrée 1928


    - " Je me souviens que le jour du départ, les "Chers Frères" nous réveillaient en pleine nuit pour parcourir les 2 km jusqu'à la halte de Fouches, même pas une gare, où le train Ostende-Bâle s'arrêtait  vers 5 heures, le temps pour tous les gamins  à moitié endormis ou excités, de grimper dans les wagons qui leur étaient réservés, munis de leur mallette en osier".
          Il faisait froid à Hachy. La première année, pendant l'hiver 1928-29 il était tombé tellement de neige que les Frères avaient dû creuser des tranchées pour qu'on puisse aller aux cabinets pendant les récréations. Mais les autres années il n'y avait pas autant de neige. Ceux qui le voulaient pouvaient apporter leurs patins à glace pour aller s'amuser le jeudi sur l'étang gelé.
           Au début la lumière fonctionnait avec des becs de gaz comme on le voit sur la photo des lavabos ci-dessous, puis dans les années 28-30, il y eut de gros travaux pour aménager l'électricité dans tous les bâtiments.

Billet de satisfaction attribué à son frère Jean en 1919
           Les Frères savaient faire preuve de beaucoup de pédagogie pour inciter les enfants à travailler. Un système de billets mensuels puis hebdomadaires, roses (Bien) verts (Moyen), blancs (Mal)  permettait d'encourager la bonne volonté des gamins. Le Frère directeur passait dans chaque classe le samedi pour remettre les billets.
           Bien sûr il y avait beaucoup de messes et de catéchisme, mais ils n'oubliaient pas les fêtes, les spectacles, la gymnastique, la musique, les séances de films de Charlot etc. 
          Au réfectoire, pendant le repas on ne parlait pas. A tour de rôle, les élèves venaient faire la lecture de livres d'aventure, les Trois Mousquetaires par exemple. Et puis à la fin du repas quand le Frère directeur de la division avait dit "Benedicamus Dominum", on avait le droit de parler. Et là, pendant quelques minutes, on ne s'en privait pas !

Elèves déguisés, vers 1920. Son frère Jean est le 2ème à droite 


           Sinon le confort et l'hygiène étaient semblables à tous les autres établissements de ce genre.   Les dortoirs collectifs, les lavabos au quotidien où on ne lave que ce qui dépasse. 

Un lavabo avec une centaine de robinets pour le matin avant d'aller à la messe
          Mais comme l'établissement était récent, les Frères avaient intégré quelques préceptes hygiénistes : il existait une salle de bains douches ! ...Enfin, les bains c'était pour les pieds seulement, et une fois par semaine, quant aux douches mon père ne se souvient plus si c'était une fois par semaine ou par mois. Mais quand il faisait chaud on avait droit à plusieurs bains de pied par semaine. Quel luxe !
 

 
Seul un bâtiment subsistait en 1998




  Comme les relations entre l'Eglise et l'Etat s'étaient améliorées les Frères avaient envisagé dès le milieu des années 1930 de revenir sur le territoire français. La guerre arrivant, le pensionnat de Hachy ferma ses portes en 1940, progressivement remplacé par celui de Metz-Queuleu dont la 1ère pierre fut posée en 1938. Les bâtiments vendus à la commune furent presque tous détruits. 

          Pendant l'été 1998, nous sommes retournés à Hachy, et nous n'avons plus trouvé que le seul bâtiment dortoir-salles de classes des petits, sans doute  parce que celui-ci comportait la salle des fêtes. 

          Bon pour vous récompenser d'être arrivés au bout de cet article, je vous offre un de nos petits trésors familiaux : les lettres illustrées que mon père envoyait à son père, et à lui seulement puisqu'il n'a jamais connu sa mère, décédée quelques jours après sa naissance. Voici la première écrite en décembre 1928, il a tout juste 10 ans. 

 

           On voit tout de suite qu'il préférait le dessin à l'orthographe et que ces exercices d'écriture étaient pour lui un véritable pensum : au fil des lettres on voit souvent les mêmes formules. Pour meubler, il prend la peine d'énumérer soigneusement tous les membres de la famille, y compris les bonnes, la Marguerite chez son grand père, et la Lolotte chez lui, que son père appelle la mère frotte-frotte. En y regardant bien on y décèle même l'accent mosellan dans la façon d'écrire "monsuel".
          Je ne vous étonnerai pas en vous disant qu'il est devenu prof de dessin industriel et non de littérature.




 

5 commentaires:

  1. Bonjour, J'ai assez bien d'informations et de photos de ce pensionnat, aussi pourriez-vous me donner votre email afin de les partager avec vous (even.julien@gmail.com)

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  2. Bonjour, des recherches concernant un pensionnat Saint-Joseph à Bauffe (juste à côté du parc Pairi Daiza) m'amène jusqu'à cet article. En récoltant de vieilles cartes postales du début du 20ème siècle, j'ai constaté l'existence d'un pensionnat Saint-Joseph à Bauffe, aujourd'hui disparu complètement (bombardements seconde guerre). Une des cartes montre une fresque murale représentant le pensionnat Saint-Joseph de Longuyon, ce qui indique un lien entre Bauffe et Longuyon, tout comme le pensionnat de Hachy, sujet de votre article. Avez-vous connaissance d'une relation entre le pensionnat de Bauffe et celui d'Hachy? Merci

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    1. mon mail: danielgarot@yahoo.fr

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    2. Bonjour Monsieur
      Non je n'ai aucune information sur le pensionnat de Bauffe dont j'ignorais l'existence jusqu'à votre message. Désolée.
      A-M Jamais

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  3. Bonjour Madame,
    Bravo pour votre blog qui est très intéressant.
    Si jamais (sans jeu de mot) vous me lisez 8 ans après, ça serait sympa d'accepter d'entrer en contact avec moi.
    Je fais des recherches pour l'établissement privé "La Salle Metz-queuleu" et j'essaye de retracer l'histoire des pensionnats des FEC de Beauregard, Longuyon et Hachy qui sont les ancêtres de celui de Metz-Queuleu.
    J'espère que ce message donnera quelque chose.
    Bien cordialement
    André Venner, de Thionville - 06 70 49 78 71

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